La pièce se nomme Eurydice. Tous les acteurs qui l’ont jouée autrefois, au fil des différentes distributions, sont convoqués par l’auteur, “post mortem“, pour décider s’il convient d’autoriser une jeune troupe à la monter à nouveau. En regardant la vidéo de la nouvelle version qui leur est proposée, ils sont repris, peu à peu, par leurs rôles.
« Vous n’avez encore rien vu », le dernier film d’Alain Resnais, est vertigineux. C’est un film sur le théâtre face une vidéo de théâtre; c’est un film sur l’interprétation et ses infinies variantes, où se nouent, comme une trame, le temps qui fuit et le temps suspendu; c’est un film sur le passé qu’on convoque et qu’on regarde, mortellement, comme Orphée finit par regarder Eurydice, et comme l’auteur finira par voir sa pièce. C’est un jeu de miroirs, et de dédoublements dans ces miroirs, comme un kaléidoscope brillant, funèbre et virtuose.
Je n’avais encore rien vu, en effet, au cinéma, qui soit construit sur un dispositif aussi troublant d’intelligence, ni aussi profond dans son apparente légèreté.