Une saine inquiétude

Je me souviens de Lindsay Owen-Jones. Je l’ai rencontré une fois. Il venait de succéder à François Dalle à la tête de l’Oréal. A l’époque, je travaillais encore chez Synthélabo, qui était la division pharmaceutique du Groupe (fusionnée depuis avec Sanofi). J’en supervisais les filiales étrangères, avec le titre un peu ronflant de directeur général des opérations internationales.

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“OJ”, comme je ne crois pas qu’on l’appelait encore, était venu se faire présenter nos opérations dans le détail. Il n’y connaissait rien, mais il apprenait vite. La réunion avait duré une journée entière, de 9h du matin à 20h le soir. Il posait beaucoup de questions, et retenait tout. Il relevait toutes nos approximations, et se faisait réexpliquer les choses jusqu’à ce qu’elles soient claires pour lui. Il avait souligné quelques contradictions dans nos propos, même perdues dans un flot de données, même à plusieurs heures de distance. J’avais été impressionné par ses capacités d’analyse, mais aussi intrigué par son fonctionnement. Il ne remettait rien frontalement en cause : il questionnait, il questionnait, sans que je comprenne où il voulait en venir.

A la fin de la journée, au moment de le saluer, j’avais échangé quelques mots avec lui.

-Excusez-moi, est-ce que je peux vous demander quelque chose?

-Bien sûr.

-C’est quoi, exactement, votre métier ?

Ma question l’avait surpris. Puis il m’avait souri :

-Répandre partout une saine inquiétude.

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