Un tuméfiant weekend

Quand nous sommes arrivés chez lui, le samedi à l’heure du déjeûner, notre hôte nous a immédiatement cueillis avec une série de directs à l’estomac : champagne, saucisson en croûte, chou farci, plateau de fromages, clafoutis aux cerises. Les coups ont plu sans discontinuer. Il nous a fallu trois heures pour nous extirper de ce traquenard. Au café, en souriant, il nous a conseillé de faire une « petite promenade », et nous a même prêté des bottes, afin qu’en ce court et gris jour d’hiver, nous puissions déambuler brièvement dans la campagne environnante, ce que nous fîmes benoîtement, jusqu’à la nuit, qui tomba bien avant que les phases précoces de notre digestion fussent achevées.

L’erreur, ce fut de revenir sans se méfier. Nous sommes tombés à pieds joints dans l’embuscade d’un nouvel apéro, alors que les vapeurs d’alcool du midi étaient encore loin d’être dissipées. Champagne, amuse-gueules, fruits secs. En deux coupes, il nous avait à sa merci, et lorsqu’il nous fit remettre à table, il nous asséna un coup terrible, non seulement déloyal mais dangereux : une sublime fondue savoyarde, avec tome de Savoie, beaufort, comté et reblochon. Servie sous un déluge d’Apremont, il ne nous laissa aucune chance. Dans un ultime sursaut, nous avons cependant réussi à ne pas terminer l’énorme moelleux au chocolat qu’il avait réservé pour le dessert. La nuit fut béate et comateuse.

Le dimanche au petit déjeûner, l’air de rien, et bien que nous nous soyons levés très tard, il nous accommoda vicieusement avec toutes les viennoiseries qui se peuvent imaginer. Le coup de Jarnac, et le coup de grâce, ce fut, à peine une heure et demie plus tard, un troisième apéritif au champagne suivi d’un coq au vin d’anthologie arrosé de Pauillac. Fameux, abondant, historique, irrésistible. Notre résistance fut farouche, et je crois qu’en la circonstance nous nous sommes comportés aussi bravement que possible, taillant, découpant, éminçant, mais vint un moment où nous n’avons pas eu d’autre choix que de battre lourdement en retraite jusqu’à un canapé, où, savourant son triomphe, il nous regarda faire longuement la sieste, les bras en croix. 

CoqAuVin.jpg

Quand nous avons émergé de ce KO culinaire, le soir était tombé depuis longtemps. Grand seigneur, il nous suggéra de mettre à profit ce moment de dégrisement pour prendre la route et rentrer sur Paris, ce que nous fîmes lâchement, sans demander notre reste, repus, heureux, et tuméfiés.

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Muriel

Chair Hervé… Heureusement vous ne me demandez pas si je suis bien en chair ! Le péché de chair / chère est aussi un péché cardinal – heu pardon, capital !

Hervé Biju-Duval

Péché de chair

Ah ! Chère Muriel…
Chez vous, le verbe se fait chair : bonne chair, chair ferme, chair douce, chair fraîche… j’en ai la chair de poule !
Seriez-vous bien à la chair, comme on dit chez les fauconniers ?
Je sais, l’esprit est prompt et la chair est faible.
Hervé (en chair et en os).

Muriel

Après de telles agapes, je te conseille un digestif – diététique cette fois – à l’extrait d’artichaut, pissenlit et autres plantes amères (Gallexier bio) : au départ, on peut croire à une punition
en en buvant un bouchon, mais cela ressemble finalement à certains apéritifs bitter, et ses effets sur la digestion et la stimulation de la vésicule biliaire sont très efficaces… Un joker à
emporter la prochaine fois en catimini pour profiter de la bonne chair tout en faisant de moins longues siestes 🙂

Jacques Langlois

Ce n’est plus un électrogramme cardiaque qu’il te faudra nous montrer demain mais une échographie de ton foie!

cepheides

Pantagruélique !

les cafards

gargantuesque !