Comme beaucoup j’ai vu le film Sugar Man, comme beaucoup j’ai été touché par Sixto Rodriguez: le chanteur et la personne.
Le chanteur, car c’est un peu comme si, après quarante ans de silence, et encore inconnu, un Bob Dylan ou un Leonard Cohen se faisait soudain entendre dans la splendeur de sa juvénile maturité.
La personne, c’est justement celle qui n’a jamais été Dylan ou Cohen, dont les chansons sont restées muettes, et pour qui la gloire vient trop tard, après soixante dix ans d’une vie humble et travailleuse, mains calleuses, cœur intact, voix perdue.
Aucune amertume. Son destin était ailleurs, modeste, d’un inachèvement parfait. Il écrit sur son site:
« I’ve done a bit of this, a bit of that. I’m solid working class.» Cinq ou six fois il s’est présenté à des élections locales, avec pour programme de lutter contre l’injustice, y compris l’injustice historique faite aux Indiens. Cinq ou six fois il a été battu.
Ni ces échecs ni l’anonymat dans lequel il a vécu n’ont entamé ou aigri le sourire et la douceur de cet homme. L’existence, il semble la traverser au-delà des contingences, sur un fil qui ressemble à la grâce.