Cela fait six ans que je fais partie d’un groupe d’enseignants qui anime la rentrée de Sciences-Po Paris, et mon plaisir est toujours aussi vif de passer quelques jours avec les étudiants de première année. Ils arrivent dans l’enseignement supérieur, ce sont leurs tout premiers jours, ils sont émerveillés d’être là, heureux, ils découvrent, ils observent, tout est nouveau. Je ne crois pas que quelqu’un qui est en position de professeur puisse avoir affaire à un meilleur auditoire. Ils sont la future élite du pays (une partie de l’élite tout au moins), ils sont vifs, intelligents, attentifs, réceptifs, curieux, respectueux, et ils sont dans leur fleur, dix-sept ou dix-huit ans, c’est le moment où ils s’ouvrent, ils ne sont encore blasés de rien, le cynisme et l’esprit de compétition n’ont pas encore commencé leur oeuvre, ils savent encore sourire.
Je les aime. Je crois que ce que je fais avec eux est utile. Ce que j’essaie de leur transmettre se nomme confiance, écoute, bienveillance. Je ne passe avec eux que quelques heures, mais j’espère que les activités simples accomplies en commun les aideront à s’épanouir un peu plus vite, un peu plus complètement, un peu plus durablement, et que le souvenir qu’ils en auront les accompagnera un bout de chemin.
A la fin du temps qui m’est donné avec chaque groupe que j’anime, je prends dix minutes pour chanter. Ils se mettent en cercle autour de moi, ils sont une quinzaine, garçons et filles, je m’approche de chacun d’eux, nous chantons, et je leur donne à chacun un regard. Mais en vérité, c’est aussi moi qui prends leur regard, c’est moi qui saisis un éclat de leur jeunesse, et à mesure que j’avance en âge, que je vois mieux leur beauté, tous ces regards que je cueille, si frais, si forts, si lumineux, j’en ressens une joie presque douloureuse, ils m’exaltent et ils m’étourdissent.
© Renaud Laffontas
Merci de ce témoignage, Hélène. Il me fait très plaisir.
Je me souviens comme si c’était hier de ma rentrée à Sciences Po en Septembre 2008 et des animations que nous avons faites avec vous. Nous avions appris la chanson “Waka waka” bien avant qu’elle ne
soit reprise pour une certaine coupe du monde…Je me souviens aussi des passages devant la caméra, qui ont obligé chacun à sortir un peu de ses retranchements, pour peu qu’on joue le jeu. Une
rentrée plus en douceur dans un monde rude, où il faut se battre pour rester soi-même.
Merci!