Importance du livret d’opéra

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L’opéra est un genre qui se situe, presque par construction, à la frontière du sublime et du ridicule. Je n’en suis pas fanatique, mais si l’on m’invite à aller en voir un, j’y vais avec grand plaisir. L’exercice est extrêmement périlleux, qui demande l’excellence des chanteurs, de l’orchestre, de la mise en scène, des costumes et des décors, sans parler bien sûr de l’oeuvre elle-même, et des deux éléments dont elle se compose : la musique et le livret.

On glose beaucoup sur tout, presque jamais sur le livret. C’est pourtant sur lui que l’ensemble repose. Mozart ne s’y trompait pas : avec son complice Da Ponte, il sélectionnait de bonnes histoires, avec de vrais personnages (Figaro, Dom Juan), chez de grands auteurs (Beaumarchais, Molière), et sur ces bases solides il bâtissait des chefs d’oeuvre. Mais il semble admis, depuis le XIXè siècle, que le livret n’est qu’un prétexte à faire entendre des airs et des voix. Donc on le néglige. S’il est bon, le compositeur pourra tenter de l’exploiter avec talent ; s’il est mauvais, même un génial musicien n’y pourra pas grand chose : les situations seront fausses, les personnages incohérents, les dialogues artificiels, et la voie du ridicule sera grande ouverte, dans laquelle, la plupart du temps, on ne tardera pas à s’engouffrer.

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Olivier

ca reste ce qu’on fait de plus abouti en fait de “gezamkunstwerk”…
n’est -il pas temps de dépoussiérer ce concept, porté par la germanophilie ambiante?

Clo

Manon Lescaut de Jules Massenet illustre parfaitement ton propos : cet opéra a fait la fortune du compositeur malgré l’indigence du livret de Meilhac et Gille.

L’œuvre inspire à Coline Serreau une mise en scène parodique, boursouflée de décalages contestables (opéra Bastille). Oscillant entre farce et pathos, la cinéaste parvient difficilement à combler
la platitude de la pièce par ses effets.

En 1887, Massenet « compositeur officiel » et ses co-auteurs avaient pris soin de priver l’œuvre originelle de l’abbé Prévost de son côté border line que Serreau tente de restaurer en mêlant
allégrement le XXI° siècle déjanté et XVIII° libertin.

L’émotion est au rendez-vous “in extremis” avec la sublime Natalie Dessay qui se coule dans le rôle de Manon et réussit au dernier acte une ultime envolée.