Mourir propre (la grande guerre de mon grand-père)

Il était de la classe 17 et n’avait pas encore vingt ans quand on l’envoya à la guerre. De son village des Landes directement aux tranchées de Verdun.

Ce qu’il y a vécu, il a toujours dit que personne ne pourrait en avoir la moindre idée, sauf à être soi-même passé par là. Au bout de quelques mois, il eut la chance d’en sortir. On avait besoin de jeunes officiers, ses supérieurs l’envoyèrent faire Saint-Cyr de guerre. Quatre mois.

A la fin de sa formation, ses notes lui permettaient de choisir l’arme dans laquelle il serait affecté. Il opta pour l’aviation. Dans une lettre à sa mère, il livre sa motivation : mourir propre.

(Mourir propre: voilà deux mots que je ne me lasse pas de méditer.)

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Toute la fin de la guerre, il la fit comme observateur aérien. Il échappait à la boue, aux poux, aux rats, et il ne tirait sur personne. Un jour que son avion fut mitraillé, la balle qui aurait dû le tuer ricocha sur le pistolet d’ordonnance qu’il portait à la ceinture.

Après l’armistice, on l’incita à rempiler. Ce fut non.

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arbon

Oui, les “roulantes”… “C’est pas d’la soupe c’est du rata”…

cepheides

Mon grand-père, quant à lui, n’échappa pas à la boue mais, par un hasard extraordinaire qu’il ne s’expliqua jamais véritablement, il fut affecté “aux cuisines” et assura “la popotte” de centaines de ses camarades. A ma connaissance, il ne participa jamais aux offensives parce que jugé “trop essentiel” au moral des troupes. Il est vrai que l’on ne parle jamais de ces héros de l’ombre si indispensables qui, avec “leur roulante”, se frayaient un chemin souvent semé d’embuches au sein des tranchées. Ayant apprécié cette activité nouvelle pour lui qui n’était qu’un paysan du terroir auvergnat, il ouvrit un restaurant dès sa démobilisation. Un établissement dont, par la suite, son fils fit un des meilleurs de Paris. Le grand-père ne parlait jamais de “sa guerre” dont il connaissait toutes les horreurs mais savait également ce que, indirectement, il lui devait.

Langlois

Coïncidence ou calcul? Ce billet tombe le jour même où tu chantes au lycée Charles Péguy, mort dès le début de la guerre.Lui n’aura pas eu le temps de se salir…