Malade qui n’en meurt

Mon grand-père, qui était cardiaque, disait souvent: “Coeur, malade qui n’en meurt”. La plupart du temps, c’était à l’occasion d’une partie de cartes. A la belote, ou plus tard au bridge, si une manche se jouait avec coeur pour atout, on était à peu près sûr d’y avoir droit.

C’est l’une des phrases les plus mystérieuses de mon enfance. Si souvent entendue, et jamais vraiment comprise… Que signifie-t-elle au juste? Et d’abord comment s’écrit-elle? “Qui n’en meurt” ou “qui n’en meure”?

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Dans le premier cas, le sens que j’y trouve est que l’on souffre toujours du coeur. J’imagine qu’il s’agit du coeur métaphorique, siège des sentiments. Le mal -disons d’amour- est comme la peste des animaux de La Fontaine: si l’on n’en meurt pas tous, on en est tous frappés. Le coeur serait par essence un lieu douloureux.

Dans le second cas, je comprends plutôt au sens propre : “il n’est pas de malade qui ne finisse par en mourir”. Le coeur, c’est la vie. S’il ne bat plus, c’est la mort. Quelle que soit la maladie fatale dont on est atteint, qu’elle concerne le cerveau, les poumons, les os, elle se termine toujours par un arrêt du coeur.

Il se peut également que j’aie mis un “ne” explétif là où il n’y en avait pas. La phrase serait alors “malade qui en meurt”, et prend vaguement une teinte humoristique. Entre la santé et la mort, il faut qu’il y ait, aussi brève soit-elle, une phase de maladie. On ne meurt pas en bonne santé. Celui dont le coeur s’arrête doit déjà être malade. Cette transition pathologique arrondit les angles de la mort.

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arbon

Merci Colette. Je vous embrasse.

colette guy

Oui,JP,on peut mourir du coeur de deux façons:de chagrin,mais aussi d’une crise cardiaque,plus prosaiquement.Alors, sois prudent,repose-toi bien avant de reprendre ta vie d’artiste
passionnante,mais epuisante!!
Affectueuses pensées à tous les deux,

Colette Guy

jacques langlois

Certes,certes…mais l’important, c’est que tu continues longtemps à dire comme ton ami Brassens:”Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous”.