Arturo Toscanini a toujours eu ses idées à lui sur les tempi.
En 1898, le jeune chef d’orchestre doit créer les Quatre Pièces Sacrées de Verdi. Quelque chose le préoccupe : dans le Te Deum, certains ralentis lui semblent s’imposer, que le compositeur n’a pas notés sur la partition. Au cours d’une visite qu’il rend à Verdi, à son domicile, celui-ci le prie de lui montrer, au piano, la façon dont il entend interpréter l’oeuvre. Toscanini, arrivant au passage où il l’estime nécessaire, joue rallentando. Verdi l’interrompt en s’exclamant : « – Bravo ! » « – Ah ! Maître, dit Toscanini, j’avais si peur… Mais pourquoi n’avez-vous rien indiqué ? – Parce que si j’avais marqué ce ralenti, on l’aurait exagéré. Un bon musicien doit le faire exactement comme vous, sans avoir besoin de le voir écrit. »
C’est peut-être de ce jour que Toscanini fut persuadé d’avoir toujours raison. Bien des années plus tard, en mai 1930, à la tête du Philharmonique de New York, il dirige à l’opéra Garnier le Boléro. Ravel assiste au concert. C’est un triomphe, le public est debout, mais Ravel, ostensiblement, reste assis : Toscanini a joué la partition trop vite. Peu après, en coulisses, le compositeur s’explique vertement avec le chef d’orchestre : « – Vous avez pris un tempo deux fois trop rapide ! Et non content de cela, vous accélérez dans le final ! » Et Toscanini, superbe, de répliquer : « – Monsieur, vous ne comprenez rien à votre musique ! »