Il y a quelques semaines, j’ai pris un vol Madrid-Paris. Au moment du départ, alors que tous les passagers se trouvaient à bord de l’appareil, mes compagnons de voyage et moi sommes restés cloués au sol. Les hôtesses et le personnel d’escale nous comptaient et recomptaient sans cesse, en nous priant à chaque fois de présenter carte d’embarquement et pièce d’identité. Au bout d’une quarantaine de minutes, on s’est dit que ça commençait à bien faire, et qu’il ne devait pas être si difficile de répérer le nom du passager manquant, de sortir son bagage de la soute, et en avant !
Pourtant, le dénombrement s’éternisait. Et s’il s’éternisait, c’était parce que nous étions face à un cas de figure inhabituel. Au lieu d’un passager en moins (grand classique du monsieur ou de la dame qui, tout entier absorbé par les achats compulsifs auxquels il procède au duty-free, laisse passer l’heure de l’embarquement), alors que nous étions cent vingt sept à être enregistrés, nous étions cent vingt huit dans l’avion.
Compte-tenu des quatre ou cinq contrôles qu’il faut franchir avant de parvenir à bord (à l’enregistrement, à la douane, aux portiques de sécurité, à la porte d’embarquement, à l’entrée dans l’appareil), il faut pour qu’une telle chose soit possible une jolie accumulation d’erreurs, mais aussi un bel aplomb de la part de la personne surnuméraire. C’était indubitablement le cas, car au bout d’un moment, quand on demanda par haut-parleur à un certain M. X de se présenter au personnel de bord, personne ne bougea. Il fallut encore repasser deux fois parmi les passagers pour parvenir à repérer l’intrus. Il se leva enfin de son siège, sur l’injonction assez musclée du chef de cabine, et sous le murmure réprobateur des autres voyageurs. On comprit qu’il disposait d’un billet pour le vol du lendemain, qu’il avait anticipé son voyage de 24h, et que, confronté au tarif prohibitif demandé par la compagnie (dite “low-cost”) pour échanger son billet, il avait tranquillement décidé de passer outre, et de maquiller la date.
Comment il parvint à berner les ordinateurs ne nous fut malheureusement pas raconté.