Pour vacciner les cochons, du temps qu’on les élevait encore à la ferme, le vétérinaire entrait dans leur enclos la seringue à la main. Il fallait que les bêtes se tiennent tranquilles et se laissent approcher. Chaque praticien avait son truc.
Celui qu’utilisait un vétérinaire de mes amis, dont j’ai déjà plusieurs fois parlé (truc qu’il tenait de son père, vétérinaire lui aussi) était aussi simple qu’insolite : il sifflait une marche militaire. Cela suffisait généralement pour que les bêtes se figent, comme au garde-à-vous. Il n’expliquait pas la chose, mais elle n’en était pas moins empiriquement attestée par de nombreuses observations.
Or un jour qu’il avait ainsi entonné la Marseillaise, air martial par excellence, les cochons, loin de se calmer, s’agitèrent considérablement. Ils se bousculaient en tous sens, devenaient agressifs. Il arrêta de siffler, l’agitation retomba. Mais les porcs restaient trop nerveux pour se laisser piquer. Il décida donc d’essayer une autre musique, et opta pour l’Internationale. Succès immédiat. Les cochons s’immobilisèrent en écoutant respectueusement.
C’est le paysan qui devint furieux. Il accusa le vétérinaire de faire du renseignement politique, et d’user de ce moyen pour connaitre l’opinion des gens: – Là, vous savez maintenant que je suis communiste !, grogna-t-il. – Si vous le dites, répondit le véto. Mais du point de vue de la dialectique historique, vous pourriez tout aussi bien être capitaliste. Vous êtes le maître, et eux les esclaves. Pourquoi vos cochons seraient-ils du même bord que vous ?
Magnifique, toute expérience est bonne avec les cochons.
Excellente anecdote !