C’était l’une des oeuvres les plus caustiques présentées à la FIAC cette année. Un âne empaillé, juché sur un tas de livres, et tenant, (pour le lire ?), un ouvrage ouvert entre ses sabots.
Combien sommes-nous, qui ressemblons à cet âne ? Qui laissons filer entre nos pattes, nos doigts ou nos neurones, des mots parfois écrits avec du sang, ou des fleuves de sueur, et qui, le moment de lecture passé, les rangeons bien tranquilles, avant d’attraper le volume suivant, travaillés par un immense oubli ?
D’ailleurs moi-même, cette installation je l’ai vue, mais je n’ai retenu ni son titre, ni le nom de l’artiste. Cela devait pourtant être écrit quelque part. Rien. Information évanouie, inexistante. Je l’ai broutée, je l’ai évacuée aussitôt.
L’ombre portée de l’âne errant dans le labyrinthe de la connaissance
Perché sur la colline des vanités et « travaillé par un immense oubli »
L’âne sourit avec philosophie car lui, il sait qu’il ne sais rien
La vérité et le mensonge, le savoir et le non savoir
La connaissance et l’ignorance, l’ordre et le désordre
Qui se moque de l’âne trouve la poutre et non la paille !
C’est génial que tu aies retrouvé cette Pilar Albarracin et son ânerie… Cela me soulage de mettre un nom et un titre sur cette installation. Et puis tu m’a permis d’aller découvrir son travail
sur son site, où j’ai revu une photo (une femme de profil qui suce -ou crache- une patte de biche) qui m’avait frappée quand je
l’avais vue (à la FIAC aussi me semble-t-il, il y a deux ou trois ans), et dont j’ignorais qu’elle était également l’auteur…
Il reste l’essentiel, c’est que tu as été marqué par cette œuvre et qu’Internet peut pailler en quelques secondes la lacune de ta mémoire* (je suis sûre que tu l’as fait !), en nous donnant le nom
de l’artiste – la Sévillane Alabarracin Pilar -, le titre de son installation – Asnería, 2010 – et nous offre la possibilité de nous inviter sur le site de celle-ci !
http://www.pilaralbarracin.com
Asneria y est d’autant plus saisissante, que sur les photos du site, une lumière latérale éclaire l’âne vu de 3/4, détaillant un oeil pédantement plissé, une bouche ouverte qui semble ânonner le
texte, et le présente surmonté de sa terrible ombre goyesque.
Merci (en particulier pour ceux qui n’ont pas pu aller à la Fiac) de nous avoir mis en exergue cette œuvre et ce qu’elle nous signifie.
*Hélas, nous ne savons comment accéder à nos “boîtes noires”, car n’existent-elles pas ? (“Ce devait bien être écrit quelque part”, écris-tu toi-même, mais ta conscience ne l’a pas retenu… 🙂