Maman est figée devant la télévision, où l’on parle en boucle du coronavirus.
— Je ne comprends pas, Jean-Pierre. Aide-moi.
Ce n’est pas spécialement le coronavirus qu’elle ne comprend pas, elle m’a déjà demandé la même chose pour une quantité d’autres sujets, néanmoins je lui explique qu’il s’agit d’une épidémie qui est apparue en Chine et se répand dans le monde, et que les autorités prennent des mesures pour limiter la contagion.
Elle continue à fixer le poste, longuement, avec une tension dans le visage que je ne lui ai pas vue depuis longtemps, et qui ressemble à de la concentration. Soudain, elle déclare :
— Je pense que j’ai la capacité d’arrêter la transmission du virus.
Je souris, sans lui montrer que je souris.
— C’est vrai ? Parce que c’est très important si c’est vrai…
— Oui.
— Et alors ?
— Alors pour le bloquer, il faut être très ferme.
— C’est-à-dire ?
Je n’en saurai pas plus. Nous n’en saurons pas plus. Maman a décroché. Elle a replongé dans sa léthargie. Elle détaille en marmonnant les motifs du châle posé sur ses genoux.
Alors, c’est clair! Soyons fermes!
Même avec des décrochages, vous avez de la chance à passer ce temps ensemble. Ça m’a totalement manqué auprès de mes parents…