Il est assez rare de connaître quelqu’un dont le nom propre est devenu un nom commun. Cette transmutation s’observe principalement en physique, lorsqu’un savant comme Watt, Pascal, ou Angström, laisse son nom à une unité de mesure.
Moi je connais Michel Béra. Esprit brillant s’il en est, normalien, mathématicien et compositeur, son nom n’est pas encore d’un usage courant. Lors de nos premières rencontres, il était toujours en retard. Comme je lui en faisais la remarque:
-Je sais, me dit-il. Mais c’est comme ça depuis toujours. D’ailleurs, rue d’Ulm, on avait donné mon nom à une unité de retard. On peut ainsi être en retard d’un béra, d’un demi-béra, de deux béras. Pour ma part, puisque c’est moi qui détermine l’unité, j’ai toujours par définition un béra de retard. Ça équivaut à quarante-cinq minutes environ.
Le temps de jouer une mi-temps au football, ou de traiter une déclaration de sinistre pour un véhicule au Pakistan.
Béra et moi, comme bien d’autres, connaissons l’Arbon, un air rare, ni inerte, ni sans couleur(s)…