La chandelle et le sablier

“La flamme est un sablier qui coule vers le haut. Flamme et sablier, dans la méditation paisible, expriment la communion du temps léger et du temps lourd. J’aimerais rêver au temps, à la durée qui s’écoule et à la durée qui s’envole, si je pouvais réunir en ma cellule imaginaire la chandelle et le sablier.” Gaston Bachelard

chandelle

Il parait que Bachelard revient à la mode. Et je le trouve en effet souvent cité ces temps-ci, au détour de mes diverses lectures : un livre de physique, un roman, et même une BD, ou plutôt un “graphic novel”, un “roman dessiné” absolument remarquable d’Emmanuel Guibert, qui s’appelle “La guerre d’Alan”, dans lequel j’ai trouvé la citation ci-dessus et dont je reparlerai.

S’abonner
Notification pour
guest

7 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Clovis Simard

Blog(fermaton.over-blog.com),No-15, THÉORÈME DU SABLIER. – La conscience et le sablier.

Muriel

… Je suis tombée sur un petit livre de Gaston Bachelard (dont j’ignorais auparavant l’existence) intitulé « La flamme d’une chandelle » (1961), qui annonce « la Poétique du feu » (laquelle l’intégrera). La citation du post figure au chapitre 1, « le passé des chandelles ». Entre la chandelle et le sablier, c’est la première qui retient tout l’intérêt de l’auteur. Il y reconnaît « l’un des plus grand opérateurs d’images » parmi les objets qui appellent la rêverie. Bachelard oppose les rêveries calmes de la « petite lumière » qu’est la flamme de la chandelle, à la fois fragile et « nourriture de verticalité », aux rêves nocturnes « caricatures psychiques » d’essence dramatique et fantastique, que sonde le psychanalyste pour en trouver le sens. « Avec une rêverie de la petite lumière, le rêveur se sent chez soi ; l’inconscient du rêveur est un chez-soi pour le rêveur [… celui-ci] a la sécurité d’être ». Jouissant des images qu’éveille en lui la contemplation de la flamme, il accède selon à ce que Bachelard appelle un « psychisme doré », qui « laisse l’inconscient tranquille, sans cauchemar… en équilibre avec sa rêverie ». Celle-ci serait enracinée dans un passé très lointain, celui des premiers feux du monde…

arbon

Merci, chère Muriel, de ce commentaire tout en érudition et en sensible subtilité.

Muriel

La flamme et le sablier : deux symboles du temps qui renvoyaient traditionnellement à la méditation sur la vie et la mort, (avant Bachelard…).
Mais, peut-être parce qu’il s’agit de deux appréhensions différentes du temps (comme l’indique Clo, avec la référence à Bergson), on les trouve rarement associés dans les peintures de Vanités
consacrées, avec celles des Saints repentants, à ces méditations, et si oui, la bougie est fumante ou déjà éteinte (« souffle léger, vapeur éphémère », c’est le sens du mot hébreu employé par
l’Ecclésiaste et traduit par « vanité »).
On pourrait dire dans une lecture qui oppose les deux symboles réunis par Bachelard, que le temps symbolisé par le sablier est celui qu’il égraine, inexorablement, qui nous est froidement compté de
l’extérieur, haché menu par les horloges. Le sablier était volontiers associé à la faux et au rictus de la Mort à l’âge baroque.
Tandis que la contemplation d’une bougie allumée entraîne, par la lumière vibrante de sa flamme, vers des méditations empreintes de spiritualité, l’âme y vit, s’y fond, s’y coule, s’écoule avec la
cire. (La flamme serait-elle le couloir de l’âme ?). Cette image correspondrait au temps bergsonien, entendu comme temps vécu de l’intérieur, qui nous contient tout entier avec notre passé, tissé
en une continuité de conscience… Réconfort temps.

Clo

Bachelard est un philosophe que j’affectionne particlièrement… le texte que tu cites est extrait de son dernier livre, La Flamme d’une Chandelle.

Le temps lourd (celui de la peine): c’est le sable qui descend dans le sablier, alors que la flamme qui monte c’est le temps léger (celui de la joie).
C’est le même temps…

Il faut simplement faire la différence entre le temps et la durée (Bergson). Le temps est successif, d’ailleurs les scientifiques ont réussi à le mesurer, alors que la durée est une notion
psychologique.

” La Flamme, dit encore bachelard, est un monde pour l’homme seul”.

arbon

Oui, tu peux même t’aventurer à voyager dans ce futur et à laisser un commentaire sur cet article non encore paru… C’est beau la technique!

jacques langlois

Cette méditation sur le temps est illustrée magnifiquement dans ce billet par un futur …très présent: il suffit de cliquer sur le “dont je reparlerai” final pour lire illico l’article de
demain!
P.S.: je ne suis pas très convaincu par la métaphore de ce vieux Gaston: ce n’est pas la flamme qui mesure le temps qui passe mais la bougie qui fond…de haut en bas, comme va le sable dans le
sablier, non?