Sur l’art militaire (américain notamment)

Je reviens sur mon billet de jeudi dernier. Un bel exemple de quelqu’un qui n’a pas du tout fait l’autruche, tout en évitant les cornes du taureau, c’est le général américain George A. Taylor. Débarquant avec ses troupes le 6 juin 1944 à Omaha Beach, il est resté célèbre pour avoir déclaré : « Il y a deux sortes d’individus qui vont rester sur cette plage : les morts et ceux qui vont mourir ; alors, foutons le camp ! »

Il donnait un bel exemple de ce “courage, fuyons“, qui n’avait pourtant pas trop réussi à Louis XVI. Bien que Platon – et Sun Tzu en Chine – aient théorisé la fuite comme une forme de courage, elle est toujours considérée, dans la tradition militaire européenne, comme cousine de la lâcheté. La ruse a également un statut ambigü. Quand il apprend que son fils s’est dérobé devant les Curiaces, le vieil Horace souhaite sa mort : il n’imagine pas que c’est un mouvement tactique. Ne pas faire face, quelles qu’en soient les raisons, est peu conforme aux exigences de l’honneur. A Waterloo, la garde meurt mais ne se rend pas. Il faut affronter le taureau.

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Je pensais à tout cela en lisant le Limonov d’Emmanuel Carrère, dont un passage évoque l’admiration que des groupes de jeunes Russes, à la fin des années soixante, portaient aux soldats israéliens de Moshe Dayan : « Des vrais soldats, des durs à cuire, comme les Fritz, comme les Japs, et on a beau se battre ou s’être battus contre eux, on les respecte, alors qu’on ne respectera jamais ces gros connards roses et douillets d’Américains dont l’idéal guerrier consiste, comme on l’a vu à Hiroshima, à balancer de très haut des bombes qui désintègrent tout le monde sans rien risquer soi-même ».

 

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Clo

“Ces gros connards roses et douillets d’Américains” se sont faits tués par milliers pour nous délivrer du nazisme … beaucoup avaient l’age de nos fils.

arbon

Tout à fait d’accord avec ta mise au point.

Pour clarifier davantage ma pensée, je renvoie à l’article que j’avais consacré à l’amiral Leahy

Jacques Langlois

il est juste de préciser – histoire d’atténuer l’apparent antiaméricanisme “so french” de cette chronique – que le général US en question ne préconisait pas de rembarquer ses troupes mais incitait
celles-ci à forcer le barrage allemand qui les clouait sur place! Ce qu’elles firent, ce dont nous n’avons plutôt qu’à nous féliciter…