Claudine a une filleule, prénommée Thaïs, qui faisait récemment sa confirmation. Le groupe de jeunes en aube blanche dont elle faisait partie était assez nombreux, d’où une litanie des saints un peu longue et une cérémonie dont je ne voyais pas trop la fin. Je me suis donc mis, discrètement, à pianoter sur mon iPhone, pour rechercher qui était Sainte Thaïs.
J’appris que cette femme avait vécu en Egypte, au IVè siècle, et avait été ce qu’on appelle une “pécheresse publique”. Selon certaines sources, « elle était d’une si grande beauté que plusieurs ayant vendu pour elle tout ce qu’ils possédaient, se virent réduits à la dernière pauvreté ; ses amants, jaloux les uns des autres, se livraient à des querelles si fréquentes que la porte de cette fille était très souvent arrosée de sang ». Bon début pour devenir une sainte, tant il est vrai que certains saints, parmi les plus grands (Paul, Augustin, etc.) ont commencé par pécher copieusement avant de se convertir, et de mettre autant d’enthousiasme à servir Dieu qu’ils en avaient mis à faire le mal, ou à servir de mauvais maîtres.
Un certain Paphnuce, anachorète selon certains, cénobite selon d’autres, entreprit d’arracher Thaïs à sa vie dissolue. Peut-être avait-il un caractère proche de celui d’Arnauld d’Andilly qui, treize siècles plus tard, fit écrire à Madame de Sévigné qu’il avait plus envie de sauver une âme qui est dans un beau corps qu’une autre. Toujours est-il qu’il la convainquit de le suivre, l’amena dans un couvent, et l’enferma dans une cellule dont il scella la porte avec du plomb. Il n’y laissa qu’une minuscule fenêtre par où tous les jours on lui apporterait un peu de pain et d’eau. Voyant cela, Thaïs lui demanda : « – Mais où voulez-vous, père, que je répande l’eau que la nature rejette? – Dans votre cellule, répondit-il, comme vous le méritez ».
Elle y croupit trois ans, pendant lesquels elle fit de ses excréments comme de ses péchés un monceau qu’elle conserva toujours devant les yeux. Après quoi, considérant que Dieu lui avait pardonné, Paphnuce la retira de là et la mit parmi les religieuses, où elle ne vécut que quatorze jours selon certains, mais quinze ans selon d’autres, avant de reposer en paix.
Aucun lien entre l’inspiratrice des fameux pets (ou soupirs) de nonnes et Thaïs … Selon d’autres sources, il semble que la sainte ait choisi elle même de se claquemurer. Cette réclusion volontaire,
punition extrême mêlée de mysticisme charnel, a peut-être inspiré Escarmonde, la recluse du Château des Murmures, « chair offerte à Dieu » emmurée pour tenter de vivre.
Ah, ce n’est donc pas Thaïs qui a inventé les pets-de-nonne? Merci en tout cas d’avoir sorti de l’oubli ce Paphnuce dont le nom phonétiquement annonce le programme. Voila en tout cas un billet qui
invite à la méditation.