Je suis retourné à l’école de prière de l’ami Maurice. Lieu : l’église Saint Ignace, rue de Sèvres à Paris. Sujet de la méditation : l’Evangile du jour. Durée de l’exercice : une demi-heure, pendant laquelle on ne doit se consacrer qu’à ça. « C’est comme un repas », dit Maurice. Avec entrée (on entre dans la prière physiquement, en prenant une posture particulière, comme on passe à table), plat de résistance (le texte à méditer, dont on doit goûter les différentes saveurs et se laisser remplir l’esprit), et dessert (marquer la sortie, remercier pour ce qu’on vient de manger). Il précise : « il y a donc un avant, un pendant, et un après. Et aussi — à chacun de l’éprouver — un en-bas et un en-haut ».
Ces consignes données, il nous invita à nous disperser. Chacun devait trouver dans l’église une place où se nourrir du texte proposé : Jean baptisait son cousin Jésus dans le Jourdain. Des coussins avaient été disposés sur le sol près de l’autel. J’en ai calé un sous ma tête et me suis allongé par terre, sur le dos.
Mes yeux fixaient la voûte. Les vitraux formaient des vaguelettes bleues. La perspective était inhabituelle, déformée. J’avais l’impression de survoler un paysage à l’envers. Ça pouvait être le Jourdain en effet, avec ses reflets de lumière, et de curieux motifs géométriques sur ses rives grises. « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Sur cet agneau, qui allait devenir pasteur, s’était posée (mais quand ?) une colombe. Passé, futur, terre et ciel, spirituel et animal, anonymat et gloire se retournaient. C’était à n’y rien comprendre, cette histoire. Jean Baptiste parlait de Jésus, qui se tenait pourtant face à lui, à la troisième personne, en répétant : « et je ne le connaissais pas ». Et Jésus, de toute la scène, ne prononçait pas un mot.
Tout ceci, je l’ai dit, se passait à Saint Ignace. J’aime bien cette église. Elle est grande et belle, mais de la rue on ne la voit pas. On y entre par la porte d’un immeuble moderne, entre deux enseignes de luxe, face au Bon Marché et au square Boucicaut. Là, derrière la façade, elle se tient, sombre et vaste, comme une métaphore de notre inconscient.