Chaque fois que j’entends quelqu’un chanter une de mes chansons, (non pas la chanter avec moi, pour m’accompagner, mais bel et bien prendre piano ou guitare, et se lancer, seul, face à un petit public, pour la jouer in extenso), cela me procure du plaisir, mais un plaisir bizarre, un mélange de fierté et de saisissement.
En rencontrant la voix d’un autre, la chanson se colore de la sensibilité d’un autre. Jamais je ne l’aurais chantée comme ça. Elle dévoile des accents d’elle-même que j’ignorais. Elle quitte le nid. Je suis comme un père qui rencontre au petit matin sa fille qui vient de découcher. J’ai du mal à lui en vouloir, mais j’ai aussi du mal à la reconnaître, avec son chemisier froissé et ses cernes sous les yeux.