N’entendre que des mots

Bonheur d’une maison de campagne aux armoires remplies de livres (ma mère et ma grand-mère ont, tout au long de leur vie, assuré une part non négligeable du chiffre d’affaires de l’édition française, tant qu’elles l’ont pu). J’y furetais hier au hasard, en quête d’une lecture, lorsque, m’arrêtant sur les Croquis de mémoire de Jean Cau, j’y lus cette phrase qui rendait un écho étonnant à mon article Ceux qui parlent : Socrate et Jésus paru le matin même :

« Rares sont ceux qui, après que l’on a écouté leur propos, résistent au traitement de l’écriture qui le fige. Séduction envolée, présence disparue, voix morte, on est souvent consterné. On croyait avoir été intéressé et l’on s’aperçoit que l’on n’a entendu que des mots…»

Et je songeais en effet qu’il y a, nombreux, ceux qui parlent, et, fort rares, ceux qui parlent vraiment. La plupart des gens parlent pour ne rien dire, ou dire peu. Ils gazouillent, pérorent, caquettent, juste pour montrer qu’ils existent, socialement. C’est une variante du divertissement pascalien. Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait demeurer tranquillement au repos, dans une chambre : il vient peut-être aussi de ce qu’il ne sait demeurer silencieux.

Naturellement, je me suis emparé du livre. Cau note, un peu plus loin : « le Moi qui se parle est haïssable. Il n’est digne d’être écouté que lorsqu’il y a en lui un chant ; que lorsqu’il se chante, en solitaire secret, et n’avoue aux autres qu’une musique. »

Chant-de-la-grive-solitaire2.png

Chant de la grive solitaire : http://youtu.be/w9vHS6JdHog

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Ines

J’adore.