Maman et le botulisme

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Tout comme Bernard-Henri Lévy, mais pour de tout autres raisons, ma maman a une relation particulière au botulisme. Il faut dire qu’elle est à la fois originaire de cette partie du département des Landes qu’on appelle la Chalosse, où l’on s’enorgueillit de produire le meilleur foie gras du monde, et pharmacien, ayant longtemps travaillé sur la toxicologie.

Or, un des problèmes du foie gras, c’est sa conservation. Si sa mise en bocal ne se fait pas dans les règles de l’art, il y a un risque que s’y développe la toxine botulique. Que ce risque soit essentiellement théorique et que les derniers cas rapportés datent d’une époque déjà ancienne n’empêchait pas Maman, à l’ouverture d’un foie préparé artisanalement, de plonger son nez dans le bocal pour y détecter le botulisme à l’odeur. Je me rappelle l’avoir vue un jour jeter un foie magnifique, déclarant qu’il était infecté, et je me rappelle aussi ma consternation et celle des autres membres de la famille à la vue de ce morceau superbe atterrissant dans la poubelle plutôt que dans nos assiettes.

Je pense aussi qu’il y a derrière tout cela la notion bien catholique que le plaisir est dangereux. Le summum de la satisfaction gustative ne saurait s’atteindre l’esprit léger : il faut que puisse s’y cacher de façon sournoise un mal foudroyant et invisible. Le botulisme est une mise en forme bactérienne de la notion de péché. C’est, mutatis mutandis, le sida des gastronomes.

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