On ne sort pas de chez Corti sans avoir acheté un ouvrage. Pour quelqu’un qui aime lire, c’est comme pour un gourmand: on ne sort pas de chez Cantin sans fromage, ou de chez Ladurée sans macaron.
Celui que j’emportai lors de ma récente visite est de Georges Picard, et s’intitule: “Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison”. C’est un très réjouissant opuscule qui enseigne en une soixantaine de courts chapitres les différentes facettes de l’art difficile d’avoir toujours raison.
J’en extrais le passage suivant:
Ayant jadis étudié la sagesse dans des livres traduits du grec, du chinois ou du sanskrit, j’ai un certain désavantage par rapport aux ignorants qui n’ont pris de leçons que dans les journaux sportifs ou les magazines de mode. Lorsque nous nous affrontons sur un sujet ardu, réclamant pour être élucidé des années de réflexion, je suis intimidé par la conscience de mon insuffisance, ce qui freine mes emballements, quand eux, propulsés par le booster de leur ignorance, sont sûrs d’avoir trouvé avant même d’avoir cherché.
Le savoir encombre, d’autant plus qu’il s’accompagne d’une conscience toujours accrue de tout ce qu’on ne sait pas. Ne pas savoir, ne pas craindre de simplifier, est en pratique une condition nécessaire pour affirmer ce qu’il faut faire et indiquer clairement la direction dans laquelle s’engager. Les meneurs d’hommes le savent bien.