Concordance des temps

dali montre molle

La concordance des temps, en français, obéit à des règles complexes. J’en veux pour preuve ces trois exemples de phrases fautives, relevées par un certain Charles-Pierre Girault-Duvivier, auteur, au début du XIXè siècle, d’une “Grammaire des grammaires”, dont je livre ci-après les commentaires en rouge.

1. « Il faut un corps d’Hercule pour vivre ici, mais j’y suis libre, et j’ai trouvé que la liberté valait encore mieux que la santé ». Valoir mieux, qualité permanente, vérité incontestable, donc il faut dire : vaut mieux.

2. Je n’ai pas oublié, Prince, que ma victoire / Devait à vos exploits la moitié de sa gloire. Devoir, être redevable, exprime une obligation, une reconnaissance constante et habituelle ; donc il faut : doit.

3. Je t’ai déjà dit que j’étais gentilhomme / Né pour chômer et pour ne rien savoir. La noblesse étant un droit de sang ne peut jamais se perdre, donc il faut : je suis.

On voit que notre grammairien défendait une conception rigoriste de la langue, et n’était manifestement pas d’avis qu’elle pût évoluer avec l’usage : la règle est la règle, pas question d’y déroger. Le fait que ces trois phrases soient signées respectivement Voltaire, Racine, et La Fontaine, ne fait d’ailleurs pas douter Monsieur Girault-Duvivier une seule seconde. Droit dans ses bottes, il les corrige sans hésitation. 

Sur la page de titre, il était précisé que l’ouvrage avait été « mis par l’Université au nombre des livres à donner en prix dans les collèges ». Je ne suis pas sûr que ç’ait été une bonne idée. Si tant de grands auteurs sont fautifs, tous les cancres sont absous.

S’abonner
Notification pour
guest

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Jacques Langlois

“La belle équipe” que voilà, comme dirait un autre Duvivier!

arbon

Girault-Duvivier et Langlois, même combat ?

A ce compte, dans ton propre commentaire, tu dois écrire “il faut” et non “il aurait fallu”. Voltaire et Racine te disent bienvenue au club.

Jacques Langlois

A ces grands auteurs, ce rigide grammairien aurait peut-être ajouté celui de ce blog, en faisant valoir que, puisque “la règle est la règle”, il aurait fallu écrire qu’il “n’était pas d’avis
qu’elle puisse évoluer avec l’usage”.