Charlie, ou la liberté de déconner

La France est un pays où l’on veut être libre. Libre de penser, libre de croire, libre de rire, libre de dire des conneries. Pour ce qui est de rire et de dire des conneries, il y avait Charlie Hebdo. Peu de gens le lisaient, mais il était là.

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Ceux qui ont voulu tuer Charlie Hebdo ont blessé l’esprit du pays. Un esprit qui remonte peut-être aux Gaulois, mais à coup sûr au moins à Villon et Rabelais. Montaigne écrit : « J’ai un tel faible pour la liberté que si l’on me défendait l’accès de quelque coin des Indes, j’en vivrais très mal à mon aise ». Charlie Hebdo était ce petit coin des Indes. Un lieu d’irréverence, d’insolence, de dérision, de déconnade. Un lieu, comme son ancêtre Hara-Kiri, souvent bête et méchant. Un lieu que les Français, dans leur immense majorité, ne fréquentaient pas, ou alors très épisodiquement, mais où ils étaient heureux de se dire qu’ils pouvaient aller. Le Je suis Charlie apparu dans les heures qui ont suivi la tuerie de Charlie, c’est comme cela que je l’ai compris.

Les tueurs de la semaine dernière ayant dans le même mouvement assassiné des Juifs, toutes les libertés du pays se sont retrouvées d’un coup bafouées et foulées aux pieds. D’un coup, la liberté de croire et celle de déconner sont apparues une et indivisibles. C’est sans doute un étrange et paradoxal alliage, aux yeux du reste du monde, mais c’est le génie de notre peuple, qui ne s’est pas privé, dimanche, de se lever en masse pour le faire savoir.

(Je finis d’écrire ces mots, et Claudine est déjà partie, d’un bon pas, acheter le Charlie de la semaine.)

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cepheides

Dans notre république laïque, nous accordons trop de place aux religions qui doivent rester du domaine privé : pas un effet d’annonce gouvernemental sans que l’on consulte prêtres, imams et rabbins. Je suis pour une fois en accord avec Aurélie Filipetti et Arnaud Montebourg : on a le droit d’être agnostique (et c’est, d’ailleurs, l’état d’esprit d’une majorité de nos concitoyens), alors – et je cite Filipetti – “Il faut qu’on arrête de discuter en permanence avec les rabbins, les imams, les curés : ce ne sont pas des maîtres à penser et la liberté, c’est aussi de ne pas croire”. S’il y a une chose qu’il faut retenir de Charlie, c’est bien celle-là…