© Depeche du Midi, Jean-Luc Bibal
Bernard Henri Bonnafous était le plus délicieux et le plus discret des hommes. Claudine l’appelait “mon oncle Bonnafous”. Elle l’appréciait tout particulièrement, et j’ai eu la chance de le connaître un peu.
Il était né à Paris en 1918, mais avait passé son enfance en Chine, au temps des concessions occidentales. Il avait six ans lorsqu’il observa les premières turbulences de l’Histoire : Pu Yi, le dernier empereur, fuyant la Cité Interdite, passa une nuit dans sa maison.
A la fin des années 20, sa famille l’envoya en France, en pension. La guerre interrompit ses études de Droit. Mobilisé en septembre 1939, démobilisé en mai 1941, il entra en Résistance en octobre 1941, en rejoignant à Montpellier le mouvement Libération Sud. En mai 1942, Lucie Aubrac vint lui demander d’aller à Lyon pour épauler son mari, Raymond Aubrac, qui travaillait notamment à l’unification des mouvements de résistance de la zone Sud. Le regroupement des branches militaires des différents mouvements donna naissance à l’Armée Secrète. Bernard Bonnafous en fut, sous le nom de “Commandant Robin”, de janvier 1943 à mai 1944, chef régional adjoint pour le Languedoc Roussillon. Puis Robin céda la place à Richard, nom sous lequel il devint, en mai 1944, chef des Forces Françaises de l’Intérieur pour le département de l’Aveyron. En septembre de la même année, en compagnie de plus de mille six cents de ses maquisards, il s’engagea volontairement dans la 1ère Armée française : il ira avec elle jusqu’en Alsace.
Dans les années 1950, il participe à la création d’Europe n°1, dont il sera le directeur juridique, et mènera ensuite l’existence apparemment paisible à laquelle il semblait aspirer depuis toujours.
Cette homme très droit et très doux, qui n’aimait pas parler de lui, s’est éteint tranquillement dimanche matin, dans son sommeil. Il n’a jamais voulu écrire ses Mémoires. Il laisse juste un court texte, très factuel, d’une trentaine de pages, où il a consigné, sans lyrisme et sans complaisance, les événements auxquels il fut associé. On y trouve toutefois cette confidence : « Pendant toute notre action, nous avons totalement ignoré tout ce qui pouvait nous séparer politiquement, socialement, culturellement. Ce que j’ai trouvé exaltant dans le combat de la Résistance, c’est que nous avons tous été fraternels. »
Bravo !
J’ai eu le plaisir et l’honneur de servir d’interprète à Lucie Aubrac lors de sa conférence à Harvard il y a quelques années.