Le sens et le son

Tahar Bekri est le grand poète tunisien qui a écrit Senghor à Bel Air. Il a donné récemment un entretien à un journal dans lequel il explique que  « l’écriture consiste à dépouiller le texte de ce qui l’alourdit, à épurer le style, à le débarrasser des fioritures, et à aller à l’essentiel. Il n’y a pas de règles prêtes, c’est une quête permanente, mais ce que je trouve ne doit pas tuer le sens, privilégier la forme ».

C’est là une phrase que tous les grands écrivains ont dite, ou pourraient avoir dite. En chanson, on néglige souvent cela. Pas tant le travail essentiel du dépouillement, que la nécessité du sens. Chez les auteurs de chansons, on prend facilement le parti d’utiliser les mots pour leur son, plus que pour ce qu’ils signifient. C’est tentant, puisque le travail consiste à créer un alliage entre mots et musique. Le rythme et la rime tirent dans la même direction. Mais il faut y résister. Rester sur la crête. Car à trop privilégier le son, on prend le risque d’oublier que les mots ont toujours un sens, et on risque facilement de s’égarer dans des paroles qui ne veulent plus dire grand chose, dans des onomatopées sans relief, dans des logorrhées sans rigueur.

Dans la chanson française, le maître du sens c’est Brassens. Le maître du son c’est Gainsbourg.

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