Vol d’esprit

— Ça va ?
— Non ! On me vole.
— Quoi ?
— On me vole ma façon de penser. Et toi, tu ne fais rien.

Maman, il faut savoir l’entendre. Il faut aller au-delà des mots cocasses ou maladroits ou agressifs qu’elle prononce. Sa raison, sa mémoire, le temps les lui a pris. Elle le sent, cela l’irrite, et elle ne sait plus comment le formuler, ce qui l’irrite plus encore.

Mais ce que tu dis est très clair, Maman. Tu te trouves dépossédée de toi-même, d’une grande partie de tes facultés, et quand l’espace d’un instant tu t’en rends compte, tu penses qu’on te vole, oui, qu’on te diminue, qu’on t’atteint, qu’il faut faire quelque chose, qu’il est urgent de neutraliser ce « on » mauvais qui te blesse et t’humilie, mais que faire, mon Dieu, comment t’aider ? Prendre ta main, t’apaiser, et attendre que l’engourdissement submerge à nouveau ton esprit ?

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Brian Thompson

Quelle chance qu’elle a de t’avoir à ses côtés! Ma mère n’a pas eu cette chance… Un de mes grands regrets.

annick c.

C’est exactement cela : attendre, espérer, que l’engourdissement du cerveau efface la souffrance. La culpabilité de l’espérer.