Teckel et silure

​La même dame*, trop heureuse de disposer d’un auditoire aussi attentif, ne résiste pas au plaisir d’enchaîner sur une autre histoire. Elle se trouvait récemment, nous dit-elle, dans une de ces stations balnéaires des Landes construites à cheval sur un lac et l’océan, avec entre les deux un goulet fort prisé des pêcheurs. Elle faisait le tour du lac et des attractions installées sur son bord en compagnie de son petit-fils, et d’un teckel à poil dur. Le temps étant très chaud, la grand-mère et l’enfant décident d’offrir au chien une baignade. Celui-ci ne se fait pas prier. Il plonge, plouf ! dans les eaux sombres, au bout de sa laisse enroulable d’une vingtaine de mètres de long, et nage en agitant joyeusement ses petites pattes. Arrivés au goulet, un pêcheur les apostrophe : — Vous voulez vous débarrasser de votre chien ou quoi ? Il va servir d’appât aux silures ! Et la dame de nous décrire, au cas où nous l’ignorerions, ces monstres des fonds vaseux, énormes poissons-chats à la face hideuse et aux longues moustaches, indifférents aux hameçons, mais friands d’oiseaux ou de petits mammifères si ceux-ci passent à leur portée. — Vous pensez, s’écrie-t-elle, j’ai ramené mon chien sur le bord en tirant si fort que je l’ai presque étranglé !

Et moi je me prends à remarquer que la dévoration d’êtres chers par des animaux inquiétants est un thème récurrent chez notre conteuse.

*voir mon article d’hier : Boa

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Claudine Plas-Arbon

En effet la conteuse sait conter … elle relie consciemment ou inconsciemment son histoire personnelle aux contes de son enfance – son récit a à la même fonction : nommer le danger et exorciser son angoisse.