Otium et negotium

La σχολη (scholê) des Grecs, c’est l’otium des Romains. C’est le loisir vertueux dont je parlais hier : celui qu’on emploie à fréquenter les Muses, l’« oisiveté du sage » chère à La Bruyère.

Or le contraire de l’otium, sa négation en latin, c’est le negotium, c’est-à-dire le commerce. Et je me demande par quelle irrésistible et durable perversité les sociétés humaines en sont venues au fil des siècles, en Occident d’abord, et désormais partout, à valoriser celui-ci et à mépriser celui-là.

On a assisté sans vraiment le comprendre à un grand renversement des valeurs. L’être a été subverti par l’avoir. Le savoir par la possession. La culture par l’économie. Le loisir par le travail. Le monde s’est mis à marcher sur la tête. La vertu est devenue vice, et (si j’ose dire) vice versa. La pensée s’est inclinée face à la marchandise, la tranquillité a cédé à l’agitation.

Et pourtant, murmurait Virgile, deus nobis haec otia fecit : c’est un Dieu qui a fait pour nous ces loisirs.

Virgile

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Bruno Sérignat

Les anglo-saxons et leurs religions très pragmatiques sont grandement responsables de cet état de fait qui semble, hélas, irréversible…