Mourir de penser

En 2014, Pascal Quignard a publié un livre qui s’intitule Mourir de penser et qui (nous dit l’éditeur) « explore trois choses : comment la pensée et la mort se touchent ; comment la pensée est proche de la mélancolie ; comment la pensée s’abrite auprès du traumatisme ».

Je n’en suis pas plus loin que la quatrième de couverture, mais que la pensée et la mort se touchent me parait une chose tout-à-fait certaine, tant j’ai peu de mal à la concevoir (la mélancolie et le traumatisme me semblent moins évidents). Il me suffit de parcourir ce blog pour observer qu’il y est question de la mort beaucoup plus fréquemment que je n’aurais pu a priori m’y attendre, et que c’est le sujet qui vient le plus spontanément sous ma plume. C’est en tout cas celui autour duquel ma pensée tend à tourner le plus volontiers, même si à vrai dire, à la manière dont un chien flaire le cadavre de quelque animal, elle ne cherche pas à s’en repaître et se contente de le renifler.

Parlant de chiens d’ailleurs, ayant l’occasion de vivre davantage en leur compagnie depuis quelque temps, je suis frappé par la manière simple et joyeuse dont ils traversent l’existence, et la façon presque désarmante dont ils habitent le moment présent. Je ne les imagine pas, non plus qu’aucune créature vivante autre que l’Homme, se poser des questions métaphysiques. Ils ne s’interrogent pas sur leur présence en ce bas monde : ils sont, c’est tout. En les regardant je crois comprendre ce que veut dire Fernando Pessoa quand il écrit (beau miroir au titre de Quignard) : « Vivre, c’est ne pas penser.* »

* Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité

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Bruno SERIGNAT

Les chiens, comme la majorité des mammifères (à l’exeption des grands primates) n’ont pas conscience de la mort sauf lorsqu’elle surgit dans leur vie. Ils ne se font donc aucun souci sur leur devenir, se contentant effectivement de l’instant présent. Ayant eu des chiens – très proches – toute ma vie, je l’ai bien constaté. C’est toute la charge douloureuse d’Homo sapiens, un primate à l’intellect développé, que de savoir anticiper sa propre disparition. Comme le chantait Boris Vian : “cerveau qui me servit à me prévoir sans vie”. Heureusement, que la pensée de l’Homme connait son devenir ultime, sinon à quoi bon ? Vivre, c’est ne pas penser ? Certainement pas.

Pommereuil Bernard

Cela me fait penser à la Cantate de la Nudité de Jean Tauler : “Qui s’est dépouillé de l’esprit ne peut plus avoir de souci” …