Le juge arbitre, l’hospitalier et le solitaire

« Par où saurais-je mieux finir ? » Tel est le dernier vers de la dernière fable de Jean de La Fontaine, qui choisit de mettre le point final à son livre par une « leçon » de sagesse.

Trois saints soigneux de leur salut cherchent à faire le bien. L’un se fait juge pour rendre une justice impartiale, gratuite et accessible à tous. Un autre consacre toute son énergie à soulager les maux de ses semblables en développant des hôpitaux. Tous deux cependant se heurtent à l’impatience et à l’ingratitude des hommes, s’en affligent, et vont demander conseil au troisième, qui vit en ermite dans le « silence des bois ».

Ce que le solitaire leur révèle, c’est qu’à vivre au milieu de l’intranquillité et du trouble du monde, on s’étourdit et on se perd soi-même. Il ne nie pas la nécessité des emplois qu’ils se sont choisis, mais il leur enseigne qu’avant de se lancer dans l’action et que le public n’ « emporte tous [leurs] soins », ils doivent s’efforcer de se connaître eux-mêmes, faute de quoi ils s’oublieront dans les « communs besoins ». « Pour vous mieux contempler demeurez au désert ».

La Fontaine chante une dernière fois cet « amour de la retraite » auquel il trouve une intense et secrète douceur. Sous le couvert apparent d’une méditation presque religieuse sur les chemins du salut, il fait en réalité l’apologie de l’otium, du temps que l’on a pour soi, plus subtilement subversif que jamais.

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