Juliette Gréco

Juliette Gréco est morte. Grand émoi unanime à nouveau sur mon Facebook. Le jour d’avant c’était Michael Lonsdale, et une vague semblable d’hommages attristés.

L’avouerai-je ? Je n’ai jamais été un grand fan de Juliette Gréco. J’ai beaucoup de respect pour la femme et pour sa carrière, mais j’ai toujours trouvé qu’elle avait quelque chose de maniéré, d’excessif dans ses interprétations. Ses regards, ses brusques mouvements de tête, sa façon de fermer ostensiblement les yeux, ses mains théâtrales, sa diction sophistiquée, tout ce qui fait son originalité d’interprète et ce pour quoi tant de gens l’admirent ne m’ont jamais vraiment touché.

J’y percevais une part d’artifice. Dans la nécrologie qu’elle lui consacre dans Le Monde, Véronique Mortaigne écrit que Gréco citait volontiers cette phrase de Jean-Paul Sartre : « L’homme doit faire et faisant ce faire n’être que ce qu’il se fait ». Eh bien, sa gestuelle était une remarquable traduction dans l’espace de cette pensée alambiquée.

Claudine l’avait rencontrée en 2009 alors qu’elle écrivait son livre sur Boris Vian. Gréco lui avait raconté qu’au sortir de la guerre, elle était mutique, et que c’est Vian qui lui avait rendu la parole. Elle s’était alors construite (ou « faite » pour parler comme Sartre) par le théâtre et la chanson. Et elle est devenue peu à peu telle qu’elle s’est voulue, façonnant sa silhouette, travaillant ses attitudes, rectifiant son nez, et fuyant ainsi sans doute l’enfant et la jeune fille qu’elle avait été, — mère héroïque mais peu aimante, père absent —, qui manquait d’amour et qui ne s’aimait pas.

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Claudine

C’est en effet le théâtre qui a façonné Juliette Greco. Elle vouait une immense reconnaissance à la comédienne Hélène Duc son professeur de théâtre et ancienne prof de lettres (qui l’a recueillie en 1943 après son arrestation) et à Boris Vian. Sa sincérité passait dans son amour de la poésie, des mots, de la musique et du public. Dans la vie c’était une femme très spontanée et d’une totale liberté.

Henri

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