Sao Paulo, vers 1973
C’était l’été de 1973. Mon ami Xavier Charton et moi nous nous trouvions à Sao Paulo, au Brésil, pour effectuer notre stage de deuxième année d’HEC. Il y avait un mois que nous étions là, et en dehors de vagues relations de bureau et de deux ou trois lointains amis d’amis de nos parents, nous n’avions pas rencontré grand monde et nous commencions à nous ennuyer ferme.
Un soir, nous avons débarqué dans une soirée où nous ne connaissions personne. La fille qui nous avait amenés là avait dit aux hôtes : je vous amène deux cons. Nous sommes restés toute la nuit. Musique, danse, caïpirinhas. Le lendemain matin, tous les invités partis, nous partagions le petit déjeuner avec un tout petit groupe de personnes, parmi lesquelles Harri (notre hôte), Odile, Cécilia, et Christophe. Nous avions tous vingt ans.
J’ai longtemps eu l’impression que dans ma vie il y avait eu un avant et un après ce soir-là. De retour à Paris, j’ai beaucoup vu Christophe, qui était le seul parisien de l’équipe. Ce fut le début d’une très grande amitié, qui dure encore. Avec les autres, les relations sont devenues extrêmement ténues en raison du temps et de la distance, mais elles ne se sont jamais complètement rompues, et j’ai souvent eu la sensation qu’une sorte de fil inaltérable nous avait liés mystérieusement ce matin-là.
Depuis les années 70 je n’ai pas revu Odile, Cecilia ou Harri plus de deux ou trois fois, mais les réseaux nous maintiennent les uns et les autres à portée de contact, et la pensée me porte souvent vers eux. De sorte que j’ai envie de leur proposer, je ne sais encore ni où ni quand, de partager quelques jours ensemble, seuls, ou en famille, à l’été 2023 peut-être (on n’est pas pressé), juste pour le plaisir de nous retrouver un demi-siècle plus tard, de l’autre côté de la vie.