Bloquer pour que ça bouge

Mon lecteur se souvient peut-être qu’au premier jour des gilets jaunes (renommé après coup l’acte I de cette tragi-comédie hebdomadaire dont la dramaturgie m’échappe depuis un certain temps), je me trouvais dans une voiture qui tentait de franchir le rond-point du Touquet, en direction du pont sur la Canche. Le chauffeur avait baissé sa vitre, et l’un des manifestants nous avait dit : — Vous n’allez pas pouvoir passer. Il faut bloquer pour que ça bouge.

Ça m’avait plu, cette formule : il faut bloquer pour que ça bouge. C’était un paradoxe vif, éclairant, une parfaite synthèse de l’action et de son but. Kierkegaard a dit quelque part : « Le penseur sans paradoxe est comme l’amant sans passion ». Eh bien ce gilet jaune devait être un amant passionné.


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Bruno SÉRIGNAT

“Bloquer pour que tout bouge” me fait penser à son inverse, l’hypothèse de la Reine rouge. Ce paradoxe a été formulé par le biologiste américain Leigh Van Valen en 1972. Le biologiste fait allusion à une scène du roman de Lewis Carol, « de l’autre côté du miroir » qui est la seconde partie, moins connue, de « Alice au pays des merveilles ». À cet instant de l’histoire, Alice se trouve sur un échiquier et est entraînée dans une course terrible par la reine rouge du jeu d’échecs ; Alice ne peut s’empêcher de demander : « mais, Reine rouge, c’est étrange, nous courons vite et pourtant le paysage autour de nous ne change pas ? » et la reine de répondre : « Nous courons pour rester à la même place ». Cette idée a été également reprise par l’écrivain italien Tomasi di Lampedusa dans son unique livre, « le guépard » où il fait dire à l’un de ses héros, Tancredi : « il faut tout changer pour que tout reste comme avant ! ». Face au blocage des Gilets Jaunes, cette affirmation pourrait, en fait, être celle du président de la République !

Bertrand de Foucauld

Bonjour Jean-Pierre.
Je suis d’accord avec le panneau du bas (c’est le cas de le dire), avec une nuance de taille : la grande majorité des Français a soutenu la loi sur la réduction du temps de travail. Or, les gilets jaunes, ce sont les 35 heures! Aujourd’hui, ils déchantent. Pour reprendre l’image de l’économiste Michel Godet, ce n’est pas en ramant moins longtemps (35 heures) et moins nombreux (âge de la retraite) que notre bateau avancera aussi bien que ceux du reste de la Flottille. A-t-on jamais entendu un professeur dire à ses élèves que c’est en travaillant moins que ces derniers allaient obtenir de meilleures notes?
Sauf que, à l’époque, l’objectif premier de nos politiciens était leur carrière, pas de faire avancer le pays ou bien éventuellement à le précipiter dans des dettes abyssales qui ne seront jamais remboursées. Avis aux détenteurs de Livret A et d’assurances-vie en monétaire : vous pouvez déjà commencer à acheter la pommade prescrite dans le panneau du haut. Dans le meilleur des cas, elle servira pour la génération qui vous suit; sinon elle sera pour vous même.
Une troisième solution existe : essayer, quand c’est possible, de réaliser une œuvre, un service, un bien qui correspond à la fois au besoin de créativité de chaque être humain et à un besoin de la société. Tout en sachant que l’accord n’est pas forcément symétrique dans le temps. Exemples : de nombreux peintres impressionnistes (Van Gogh, entre autres) dont le génie n’a véritablement été reconnu que par les générations suivantes. Quand on arrive à réaliser un travail correspondant à sa personnalité, alors survient un autre problème : le temps passe trop vite!
Pour conclure, j’ai toujours été contre cette loi des trente-cinq heures (mais pas contre un aménagement des emplois en fonction des branches professionnelles). Sauf pour Martine Aubry : si seulement elle avait pu appliquer à elle-même sa propre loi! Mais pas folle la guêpe!