Brebis déviante

Un groupe social secrète des normes, que les individus qui le composent vont tendre spontanément à respecter. Ces règles définissent ce qui se fait et ne se fait pas : se conduire comme ceci, s’habiller comme cela… Ses membres sont en grande partie jugés sur le respect de ces critères. Autrement dit, un individu résiste au changement par crainte de s’écarter des normes de son groupe. Ainsi s’exerce la pression de conformité.

Toute la force des bifurcations dont j’ai parlé récemment (Socrate, Moitessier) réside dans la capacité à s’affranchir du jugement de son groupe d’appartenance initial. Si ces vraies bifurcations sont rares, c’est d’abord parce que le risque de mort sociale qu’on encourt en déviant est inacceptable pour la plupart des personnes. Notre instinct grégaire nous pousse à rester en compagnie de nos semblables.

Mais c’est aussi, secondairement, que si une brebis, par extraordinaire, veut s’éloigner du troupeau, il ne dépend pas entièrement d’elle d’en rester à l’écart : le bon pasteur veille, qui va chercher à la ramener au bercail. Car aucun pasteur ne conçoit qu’elle ait pu s’éloigner délibérément : si elle n’est plus là, c’est qu’elle s’est perdue, et qu’elle est en danger. Le déviant, le groupe ne commence jamais par l’exclure : il cherche toujours d’abord à le faire revenir en son sein.

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