Houellebecq ou le sens du branle-bas

Michel Houellebecq a obtenu le prix Goncourt. Tant mieux ! (Même si, à mon goût, “La Carte et le Territoire” – meilleur toutefois que La Possibilité d’une île – est un livre plus fade que les premiers : moins mordant, moins incorrect, moins dérangeant, moins drôle. D’ailleurs, cette fois-ci, pas la moindre controverse, tout le monde en a dit du bien. C’est dans Plateforme que Houellebecq était à son sommet).

Je me souviens de notre première rencontre. C’était au Flore, en 1996, le soir où il a reçu le prix du même nom pour son recueil “Le sens du combat”. On ne pouvait pas bouger, tellement il y avait de monde. Il s’était réfugié à l’étage. Le lauréat du Prix de Flore a droit pendant un an, tous les soirs, à une bouteille de vin blanc : manifestement, il avait déjà pris quelques jours d’avance; la discussion s’en trouvait passablement embrumée. Nous parlions de sa façon d’écrire des poèmes, et il me disait, en agitant ses deux bras simultanément devant lui dans un mouvement de va-et-vient : « – J’attends, j’attends que ça jaillisse… et après je nettoie un peu ».

C’est intéressant d’ailleurs de relire aujourd’hui “Le sens du combat”. Houellebecq, qui allait devenir notre meilleur romancier contemporain, y parle du « caractère inutile du roman ». Il écrit : « Nous avons besoin de métaphores inédites : quelque chose de religieux intégrant l’existence des parkings souterrains ». Tout son projet s’inscrit dans cette phrase. C’est dans l’organisation permanente de la collision entre le sublime et le trivial que Houellebecq apparaît comme inexorablement moderne. Tout se juxtapose. Il n’y a qu’un plan.

prix-de-flore-1998.jpg

A la fin de la soirée, j’avais retrouvé Charles-Henri Flammarion devant la terrasse. C’était exceptionnel qu’il assiste à un événement littéraire: depuis des années, il fuyait systématiquement les mondanités publiques. Je lui demandai quelle impression il retirait de ce premier contact avec tous les jeunes écrivains présents ce soir-là. Il me répondit d’un air très amusé : – Eh bien, je pense que cette génération ne sera pas moins imbibée que la précédente.

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Clo

” Roi des concierges en révolution”
Pas mal. Dans le rôle de “concierge” en chef, il y a ceux qui en parlent (donc nous), ceux qui refusent d’en parler – mais le lisent en cachette et font autant de bruit que les autres. Sans oublier
ceux qui sacrent l’ouvrage avant de l’avoir lu et auxquels l’auteur doit sa couronne.

Raphaël Zacharie de IZARRA

HOUELLEBECQ, ROI DES “CONCIERGES EN REVOLUTION”

Avec sa tête de pauvre type Houellebecq écrit des livres de pauvres types.

Auteur d’une littérature minable écrite pour des minables qui l’adulent, cette face d’avorton a la plume rase, le verbe bas, la pensée vile.

Houllebecq est le chantre des ratés. D’où son formidable succès.

Dans ses livres il a placé sans complexe le Dupont sur un trône -celui de l’insignifiance mais peu importe, un trône est un trône à ses yeux- revendiquant le droit de faire régner la loi du commun
-pour ne pas dire du rien du tout- sur les étagères les plus prisées des bibliothèques. Au nom de son air d’abruti.

Chez Houellebecq les petits présentés comme des victimes de leur petitesse gagnent toujours du début à la fin : avec lui c’est la revanche des eaux troubles de la sexualité sur l’onde pure de
l’esprit, le triomphe de la fosse des sentiments sur la verdure des sommets, la gloire du quotidien inepte sur l’intemporel vol de l’âme, la victoire des êtres médiocres et de leur oeuvres
crasseuses sur les neiges éternelles de l’Art.

L’époque étant comme on le sait à la totale dégénérescence littéraire, Houllebecq est le plus fameux de ses représentants.

De ce déchet de notre civilisation en pleine dérive culturelle, on a fait une légende vivante.

Roi des Dupont auxquels il s’adresse, Houllebecq est un produit marketing performant, inusable, réutilisable à chaque rentrée littéraire ! Il suffit juste de changer l’emballage de ses bouquins
chaque année. Bref, la gloire des éditeurs. Pardon, des vendeurs de papiers.

Houellebecq est un phénomène : chacune de ses apparitions télévisées est un événement.

Dès que passe sur les écrans plats de la France attablée sa tête molle de vieux puceau frustré et libidineux, il fait chavirer le coeur des ménagères monoparentales ménopausées, miroiter des jours
encore plus tièdes aux concupiscents concierges constipés, espérer un sirop de bonheur pseudo littéraire toujours plus vil et fade aux minus malades, comme lui, de leur existence de nabot.
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Complément à l’article
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Pour rappel, voici ,un extrait de l’interview par Vignale (texte numéro 509) au sujet de la littérature :

Vignale – Quels sont les auteurs contemporains qui ont vos faveurs littéraires ? Houellebecq vous touche-t-il davantage qu’un Beigbeder, un Zeller ou un Moix ou bien vous ne lisez que les morts
?

Raphaël Zacharie de IZARRA – Je suis fièrement inculte. Vierge de bien des influences mais non point sans avis. Je connais les titres et les têtes des écrivains actuels, mais guère plus. Rares sont
ceux qui ont su me plaire avec leurs mots. Je possède une intuition étrange : je sais reconnaître un auteur de valeur sans ouvrir un seul de ses livres, juste en lisant sur ses traits. Car la
Littérature transparaît sans fard sur la face des auteurs dignes de ce nom. Sur leur front, moi je la vois dans sa vérité. La Littérature ne m’échappe pas.

J’ai l’oeil pour ces choses. Et lorsque je vérifie les écrits de l’auteur ainsi sondé, je constate que je ne me trompe jamais. Celui qui parle en auteur mais qui n’a pas l’éclat de la Littérature
entre les deux yeux, je le sais avant même de lire sa première page.

J’estime sans l’avoir lu que Houellebecq, s’il possède effectivement quelque plume (pour avoir survolé de très loin une ou deux de ses pages, je n’ignore pas de quoi je parle) manque singulièrement
de hauteur ne serait-ce que parce qu’il a commis l’impudeur de montrer sa face aux caméras de télévision. Trivialité impardonnable pour un auteur digne de ce nom.

http://izarralune.blogspot.com/2007/05/509-vignale-me-pose-dix-questions.html

Raphaël Zacharie de IZARRA

Clo

Houellebecq est divertissant. Son esthétique fait se côtoyer le sublime « forcément sublimé » et le trivial « indécrottable ». Le rire chez lui se nourrit d’un cynisme déprimant.
Les critiques se tapent le cul devant cet auteur emblématique de l’air du temps, l’ère de l’éphémère et du vide. Lui s’en balance, rien que pour cela, il mérite le prix Goncourt !
Il était écrit partout qu’il ne pouvait pas ne pas l’avoir. La réalité est qu’il a produit un pur produit, comme il aime à les décrire, une machine à Goncourt.

Certes moins provocateur que par le passé, un peu essoufflé (à l’image de son époque) – l’écrivain a néanmoins concocté un parfait objet marketing, un pur livre pour critiques en mal de pâmoison,
un livre pour Grand Prix… l’homme a du talent et sait en jouer. Il nous fait rire. Certes un peu moins cette fois-ci, mais tout de même : le personnage de l’attachée de presse blasée, hyper pro et
bourrée de complexes, insupportable et in fine sympathique est tout simplement génial. Et le patron en fin de course, le cadre dirigeant déchu, puis retraité sombrant hébété dans la médiocrité : à
pleurer de réalisme… ces portraits sont sans doute moins éphémères que sa galerie de « pipoles », ce monde médiatico, artistico-littéraire condamné à disparaître dans l’anonymat, comme les autres-
les beaufs pleins de fric- malgré tous leurs efforts.

Houellebecq réussit son pari, jusqu’à la promo du bouquin – présenté comme « un classique moderne »… alors là, pour les modeux ou les branchés c’est limpide (l’image d’un jean troué ceinturé avec
un foulard hype de Lulu Couture), bref le fin du fin appliqué à la littérature. L’écrivain, pour familier qu’il soit de la branchitude, connaît ses classiques – donc La fontaine :
« On ne considère en France que ce qui plaît ». Avec docilité et pour la bonne cause, il suit le conseil du maître et s’assagit pour ne pas déplaire- point de polémiques, moins de chaos et de
fantasmes dérangeants- au contraire il fait mine de se ranger. C’est le prix du Prix.

Comme le dit ton article, tout finit chez Houellebecq par une mise à niveau de tout. Mais en cela, il n’est pas que divertissant ; il est comme Jarry, Queneau et Ionesco, il est comme Vian :
‘pataphysicien ! « Un des principes fondamentaux de la ‘pataphysique -expliquait ce dernier en 1953- est celui des équivalences. C’est peut-être ce qui explique ce refus (…) de ce qui est sérieux
et de ce qui ne l’est pas ; puisque pour nous c’est exactement la même chose, c’est pataphysique ». Pas si moderne que ça Houellebecq !

Question, est-il allé au bout de son jeu paradoxal et s’est-il emparé de l’expression du linguiste Alfred Korsybsky « La carte n’est pas le territoire » pour lui tordre le cou ?
Le titre de son roman juxtapose « La carte et le territoire », le romancier rapproche l’un et l’autre sans les confondre… assurément l’auteur des Particules élémentaires et de La possibilité d’une
île ne mêle pas innocemment la réalité et sa représentation.

Ce roman restera dans l’histoire de la littérature non seulement comme le Goncourt de l’an 2010, mais peut-être aussi comme l’ode nostalgique du XXI siècle à la Carte Michelin.