In memoriam Françoise Verny

Françoise Verny. Quatre ans qu’elle est morte. Quatre ans qu’on l’a enterrée. L’église Saint Augustin n’était ni déserte ni pleine: un étrange entre-deux, entre gloire et oubli. Quelques années plus tôt, le tout Paris littéraire se fût bousculé pour se montrer à ses funérailles. Mais elle avait cessé ses activités éditoriales depuis pas mal de temps, et perdu presque entièrement ce pouvoir de fascination qu’elle avait exercé sur des générations d’auteurs. Alors, n’étaient présents ce jour-là que les fidèles, ou les nostalgiques.

Bernard-Henri Lévy prononça un éloge funèbre assez fade, concentrant son propos sur le métier d’éditeur. Après lui, heureusement, témoignèrent quelques personnes qui avaient partagé ses derniers moments, dont une petite nièce formidable, qui raconta comment, quand on lui en apportait encore, elle se jetait en riant sur de gros morceaux de fromage, et gueulait contre les infirmières.

Un peu plus tard, à sa mémoire, j’avais écrit une chanson, pour moi seul, que je partage aujourd’hui.

Elle te disait chéri ça voulait dire ducon
Elle buvait du whisky sans modération
Sa robe était trouée de cendres de Gitanes
Mais de l’hôtel des Saints-Pères au Twickenham
On lui faisait crédit elle réglait ses ardoises
Françoise

Son sac était toujours plein de feuilles volantes
Rehaussées ça et là d’un beau rouge amarante
C’était le manuscrit biffé froissé tordu
D’un célèbre abruti d’une jeune inconnue
Elle allait aux auteurs comme on va aux framboises
Françoise

Lippe jaune et moussue paupière à demi close
Elle faisait métier de lire de la prose
Ou plutôt d’accoucher telle ou tel de ce qu’il
Pouvait avoir à dire de fort ou de subtil
Sa manière était douce ou brutale ou narquoise
Françoise

Elle était grosse et laide mais belle quelquefois
Comme une sainte une sorcière une diva
Parfois dans son regard les fulgurances muettes
D’une âme inassouvie tuméfiée inquiète
Jetaient des séductions massives et matoises
Françoise

A son dernier adieu des chéris clairsemés
Soufflèrent doucement sur sa gloire passée
On évoqua Malraux, Belle-Ile, le long âge
Sa façon d’avaler goulûment du fromage
L’encens montait au ciel en volutes turquoise
Françoise

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jacqueline Dana-Mounier 0663477711

Elle m’a guidée pour deux livres, jamais je ne l’ai oubliée, toujours je l’ai aimée, regrettée,Elle m’intimidait et m’ensorcelait. Personne ne m’a jamais comme elle de mes romans,j’ai écrit un texte “à ma façon” sur elle qui va être publié avec la réédition d’un de mes romans. Je voudrais entrer en contact avec Jean Pierre Verny. Jacqueline Dana
Je voudrais lui montrer mon texte

Belloc Vincent

Françoise Verny la femme de mon parrain Charles Verny fut une bonne fée pour moi et plusieurs fois .J’ai une grande affection pour cette Femme d’exception . Vincent Belloc fils de Marc Belloc du réseau Navarre .

joyeux

Merci jean Pierre pour ce clin d’oeil d amitié. Koukou en devient encore davantage coquette. Je vis ici mais ce sont surtout près de 200 000 déplacés tchadiens et plus de 280 000 réfugiés soudanais qui sur vivent par ici….Beau Noël de notre part à tous , les Koukouiens coquets.