Mon arrivée chez Flammarion. Premier jour: le livre de comptes

C’est un jour d’avril 1988, c’est mon premier jour chez Flammarion, et je rends visite à Monsieur Flammarion, que je n’appelle pas encore Charles-Henri.

Il m’installe dans son ancien bureau (il occupe à l’étage au-dessus le bureau de son père). Il me confie différents dossiers en me demandant d’en prendre connaissance. Il m’indique qu’il n’a pas encore annoncé mon arrivée au personnel de la maison, et qu’il le fera dans deux jours, à l’occasion de la soirée d’inauguration du Salon du livre. D’ici-là, il m’invite à rester discret. Je suis le nouveau Directeur général.

Cette entrée en matière florentine me surprend un peu. Mais j’ai un trac terrible à l’idée de rencontrer les éditeurs. Je les vois comme des sortes de sorciers de l’écrit, des alchimistes du verbe, des grands prêtres de la culture. Je les admire, ils me fascinent, je n’en connais personnellement aucun mais l’idée que je m’en fais m’impressionne.

Alors, ce répit, lâchement, me soulage. En même temps, il ne me dit rien de bon. Mais je prends place dans mon nouveau fauteuil, et j’essaye de me concentrer sur ma lecture.

Sur l’une des étagères garnies de livres qui me font face, j’avise un énorme volume, d’au moins un mètre de long, posé à plat. Je vais l’ouvrir. C’est un livre de comptes, datant des débuts de la maison, à la fin du XIXè siècle. Toutes ses pages sont écrites à la plume, d’une belle écriture cursive, à l’encre violette. Je le consulte longuement, respectueusement. Y sont consignées les dates des tirages et retirages des ouvrages, ainsi que celles des avances, des règlements, et leur montant. En tête de chaque page ou groupe de pages, le nom d’un auteur : Alphonse Daudet, Guy de Maupassant, Emile Zola.


Un peu plus tard dans la journée je fais la connaissance de ma secrétaire. Une dame aux cheveux gris, déférente, un peu raide : Lucile Bachelin, 41 ans de maison.

En rentrant chez moi le soir, je me dis que Flammarion ne constitue probablement pas un terrain propice à l’exercice d’un management tel qu’on l’enseigne dans les « business schools ».

A la vérité, je subodore même que tout ce que je crois savoir, je vais pouvoir m’asseoir dessus.

Deuxième jour: le démontage de la sonnette
Troisième jour: en attendant Françoise

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jacques langlois

Voila qui est nettement mieux!

arbon

C’est juste. Je vais essayer de l’améliorer.

jacques langlois

Sans vouloir t’offenser, le style de la dernière phrase, plutôt alambiquée avec une concordance des temps discutable, aurait peut-être fait grimacer l’un des “sorciers de l’écrit” si redoutés…