Comment Etienne Klein passe le mur du son à 15 km/h

Un matin de1994, dans l’arrière-pays varois. Une propriété immense, une fondation. Des petits chemins dans les collines, sous les arbres, des kilomètres de beauté sans rencontrer personne. Parfois, au détour d’un virage, une échappée vers l’horizon, des visions lointaines, et vers le Sud, là où la vue se perd, la mer, la lumière, un miroitement dont l’éclat se dissout dans la distance. Nous courons, Etienne et moi. Il me raconte sa maladie, son opération à la gorge, sa longue hospitalisation. Comment il s’est mis à écrire, parce qu’il était immobile et ne pouvait plus parler. Et comment il est devenu un cas médical, le premier patient qui, ayant subi une telle intervention, a recouvré la voix. Pas sa voix d’avant, mais une autre voix, sourde, feutrée, chaleureuse. Avec une sorte de clapet, m’explique-t-il. « C’est comme ça que je sais que nous faisons moins de 15 km/h. Plus vite, ma voix ne sort plus ».

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Une heure que nous courons, en terrain accidenté. Je fatigue. Pas lui. Nous débouchons sur une ligne droite. «Bon, eh bien si tu le permets, maintenant je vais me dégourdir les jambes ». Il accélère, me laisse sur place. Je me dis que son clapet a dû se fermer. Il s’éloigne à grandes foulées. Il va très vite. Il a franchi son mur du son.

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