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Maman fête aujourd’hui son quatre-vingt treizième anniversaire.

Elle tient le coup, vaille que vaille, et ses jours s’écoulent paisiblement de son lit à son fauteuil. Elle ne prête plus attention aux cahots du monde. Elle ne s’intéresse désormais qu’à ses lectures, qui l’absorbent vertigineusement, quelles qu’elles soient. Elle reste des heures entières sur la même page, appliquée, concentrée, reprenant chaque paragraphe ad libitum, s’efforçant d’en percer le mystère, et s’accrochant au fait de lire comme à sa dignité.

Elle ne saisit plus les idées, et elle oublie chaque ligne dès qu’elle passe à la suivante. Mais l’acte de lire demeure pour elle l’ultime façon de tenir son rang. Grâce à lui, elle garde la tête haute, et conserve son statut de personne. Il est le fil qui la relie aux choses de l’esprit, il est la clarté faiblissante qu’elle oppose pied à pied à la confusion végétative que l’âge, sans hâte, sans relâche, instille dans sa chair.

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