Nature, structure et conjoncture

Le Brexit a fait resurgir l’extrait ci-dessus d’une conférence de presse de de Gaulle en 1963. Moi qui enseigne l’art oratoire à Sciences Po, j’en ai été émerveillé.

C’est un chef d’oeuvre du genre : clarté des idées, maîtrise parfaite de l’expression. En deux minutes, toutes les facettes de la rhétorique d’Aristote (inventio, dispositio, elocutio, memoria, actio) y sont remarquablement mises en oeuvre. La description du problème (l’adhésion de la Grande Bretagne au marché commun) s’articule autour d’un plan en trois points : la nature de l’Angleterre, « insulaire, maritime », ses traditions originales et son économie industrielle et commerciale qui la lie aux « pays les plus divers et souvent les plus lointains » (sa structure), sont mises en regard du contexte historique récent de la demande d’adhésion (la conjoncture).

Coup de génie de cette intervention : l’allitération qui, en conclusion, dévoile ce plan : « la nature, la structure, la conjoncture qui sont propres à l’Angleterre… ». Tous ces mots en ture, qu’on entend rimer avec aventure, fracture, déconfiture, sonnent comme une variation autour de turlututu.

de gaulle 1963

 

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Bruno Serignat

Le Général ne serait, en tout cas, guère satisfait de constater que les “atlantistes” qu’il combattit avec constance et fermeté ont fini par imposer leur vision de l’Europe, vision qui semble aujourd’hui avoir quelque difficulté à se concrétiser. Alors, bientôt, l’Europe gaullienne des nations ?

Langlois

Ah! le rythme ternaire du Général…J’ai moi aussi revu cet extrait avec délectation (et un peu de nostalgie du temps où il y avait un personnage de cette envergure à l’Elysée…) Est-ce dans cette conférence de presse ou ailleurs qu’il fit rire en rapportant que devant le désarroi du Premier ministre Macmillan face au refus gaullien, il avait eu envie de lui dire “Ne pleurez pas Milord…”
Mais par delà cette leçon d’éloquence, il y a une leçon politique: toutes les bonnes raisons de refuser alors à la Grande-Bretagne l’entrée dans le Marché Commun justifient que nous ne regrettions pas trop leur départ aujourd’hui.