Bifurcation

La scène se passe au pied de l’Acropole, à Athènes, vers la fin du Vè siècle av JC, un matin d’été. Deux hommes marchent sur la route. Ils parlent, quand soudain l’un interrompt l’autre, et dit : – Quittons ici la route, et suivons l’Ilissos.

L’Ilissos est un petit cours d’eau qui traverse leur chemin. Alors ils bifurquent. Ils se mettent à suivre le ruisseau et avancent dans la campagne, les pieds dans l’eau. Puis, avisant un grand platane qui leur offre son ombre, de l’herbe et de l’air frais, ils s’assoient au pied de l’arbre.

Voici un changement de parcours fondateur. Socrate, puisque c’est de lui qu’il s’agit, et son ami Phèdre*, choisissent de s’écarter de la voie commune et balisée, et partent « loin du monde et du bruit goûter l’ombre et le frais » (je suis bien certain qu’en écrivant ce vers, c’est cette scène précisément que La Fontaine avait en tête). Ce sont les premiers déviants. En quittant ce jour-là le chemin tout tracé et les sentiers battus, Socrate signale la possibilité d’une décision individuelle : penser par soi-même, prendre son destin en main, vivre sa propre aventure, suivre sa propre route.

L’emprunte qui peut.

* l’anecdote est contée par Platon dans le Phèdre.

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Muriel

Et qui l’emprunte, bien souvent laisse son empreinte.
Tu es de ceux-là, Jean-Pierre, tu as radicalement bifurqué, pris le temps du détour, du cheminement, tu as “pris du chant”… Tes chansons (quand bien même seraient-elles effacées par les marées de 200 ou 300 saisons !), en sont l’empreinte, le fruit, tout comme ce blog.
Belles âmes, celles qui s’adonnent à l’otium…